Par Josée-Anne Sarazin-Côté
MONTRÉAL - Pendant que les yeux étaient tournés vers le Marathon de Montréal, un de nos coureurs élites étaient plutôt dans le vieux continent, pour prendre part au prestigieux marathon de Berlin. Celui-là même où le nouveau record du monde a été battu. David Le Porho était en pleine forme : son temps de 2 h 20, 23 m lui a donné le 24e rang total, ce qui est franchement impressionnant dans une course avec autant de coureurs professionnels. Il est également entré dans le top 10 des meilleures performances québécoises de tous les temps. Il nous raconte son expérience et nous explique toute la préparation que cela a demandé.
David, quel a été ton entraînement pour cette prestigieuse course?
Cette année, j'ai particulièrement mis l'accent sur le marathon et la course sur route. Je visais un premier marathon en mai (Ottawa) puis un deuxième marathon en septembre (Berlin). Mon année s'est donc scindée en 2 parties avec un premier build-up spécifique marathon de mars à mai puis un deuxième build-up de juillet à septembre.
Avec mon entraîneur, Dorys Langlois, nous avions planifié plusieurs compétitions dans le cycle d'entraînement, surtout des courses de 5K et 10K. Même si toutes ces courses n'ont généralement pas été réalisées avec des jambes très fraîches, elles m'ont permis d'évaluer : 1) ma vitesse, 2) ma récupération générale malgré de grosses semaines en terme de volume d'entraînement, 3) mon assimilation des difficiles séances d'intensité . De plus, ces compétitions ont permis de confirmer une constance dans ma progression.
Cependant pour mon premier objectif, malgré une bonne préparation et un niveau de forme qui devait me permettre de courir le marathon d'Ottawa proche du 2 h 20 / 2 h 21, j'ai dû l'abandonner après 30K. Ce jour-là, je ne me sentais vraiment pas bien, j'ai ressenti beaucoup de douleurs abdominales. Ainsi, j'ai repris le chemin de l'entraînement avec cet abandon en tête et le goût de prendre ma revanche à Berlin. Autant dire que j'étais motivé. J'ai suivi un entraînement spécifique marathon étalé sur environ 3 mois et incluant 9 grosses semaines durant lesquelles j'ai couru en moyenne 180K. Les séances de piste et de tempo se sont enchaînées naturellement et, grâce à un été sans grosses chaleurs, j'ai très bien intégré le travail. Enfin, un autre point très important dans le cursus de mon entraînement, fut la présence régulière de plusieurs coureurs de Montréal avec qui j'ai partagé une grande partie de mes entraînements-clés et qui m'a permis de garder le focus sur mon objectif. Philippe Viau-Dupuis a été un excellent partenaire d'entraînement, nous visons les mêmes performances sur route et le fait d'avoir pu bénéficier de sa présence fut sans aucun doute un facteur-clé de succès.
Comment te sentais-tu le matin de l'événement?
Justement, contrairement au matin du marathon d'Ottawa, je me sentais très bien, parfaitement détendu malgré un voyage beaucoup plus long que prévu pour se rendre à Berlin (je suis finalement arrivé le samedi midi à Berlin, ce qui m'a laissé peu de temps pour récupérer du déplacement). Pour ce marathon, même si je souhaitais vraiment bien performer, je ne me suis mis aucune pression. C'est difficile à faire mais ça évite vraiment tout désagrément d'avant-course et ça permet d'employer toute son énergie dans l'essentiel : la course!
Et tout au long de la course?
Une fois la course partie, je suis entré dans ma bulle et hormis la douleur due à l'effort, je n'ai pas eu de problèmes inattendus. J'ai vraiment eu le sentiment de rester en contrôle toute la course, c'est un sentiment extraordinaire à vivre sur ce type d'effort où tu dois garder un pace soutenu et constant sur une aussi longue distance.
Pensais-tu faire un aussi bon temps?
Je rêvais de faire 2 h 20 au marathon, ma préparation s'était parfaitement déroulée et mes performances à l'entraînement laissaient présager un tel chrono. Cependant comme dit mon coach : "il faut le réaliser le jour J". Je n'avais pas une grande marge de manoeuvre, il fallait que les conditions soient regroupées et ce fut le cas.
Qu'est-ce que ça t'as fait d'être dans la même course où a été battu le record du monde?
Le matin de la course, j'anticipais déjà que les meilleurs temps allaient certainement s'approcher du 2 h 03 pour les hommes et 2 h 19 pour les femmes. La température était parfaite, il n'y avait pas de vent, le parcours est réputé comme étant l'un des plus rapides au monde et le peloton élite était très relevé, incluant les nombreux pacers. Sachant tout cela, j'étais très ému sur la ligne de départ. Puis, une fois le signal du départ donné, je n'ai vu que quelques minutes les premiers coureurs (sur le 1er kilomètre). Par contre j'ai eu l'immense chance de pouvoir courir avec les premières femmes durant tout le marathon. L'américaine, Flanagan, visait le record américain (2:19:36), je ne pouvais pas rêver mieux comme pacer. J'ai vécu un grand moment en sa compagnie et celle de ses pacers (Vail et Watson).
Tu as terminé 3e de ta catégorie d'âge. Était-ce ton premier podium dans une aussi grande course?
C'est vrai, j'ai fini 3e des 35-39 ans, mais je ne porte pas encore grand intérêt aux catégories d'âge. Je ne pense pas qu'il y avait une distinction particulière pour les catégories d'âge, hormis pour la catégorie "master" (> 40 ans). Je suis très fier de mon classement overall (24e), réalisé sur un aussi gros événement avec pas moins d'une quinzaine de coureurs professionnels.
Tu es maintenant dans le top 10 des meilleures performances québécoises de tout les temps (8e), qu'est-ce que ça te fait?
Effectivement grâce à mon chrono de 2 h 20 : 23, je rentre dans le top 10 des meilleures performances de tous les temps. Je savais qu'il me fallait courir sous les 2 h 20 : 36 pour pouvoir rentrer dans ce classement, car c'est mon entraîneur Dorys qui avait ce chrono (10ème position). Cette 8ème positon dans le classement des meilleures performances est donc très symbolique pour moi, je suis très honoré.
Quels sont tes prochains objectifs?
Pour la fin de saison 2014, mes deux objectifs sont tournés vers la trail avec un 72K fin octobre (Les Templiers en France) et un 50 miles début décembre (The North Face Challenge en Californie). Je vais essayer de profiter de tout le travail réalisé dans le cadre de la préparation marathon pour m'illustrer sur ces 2 grands événements dans le monde de la course en sentier.